
Newsletter droit social novembre 2025
Partie réglementaire
- Les réformes de la loi « seniors » du 24 octobre 2025
- L’entretien professionnel devient entretien de parcours professionnel
Les délais fixés pour l’organisation du nouvel entretien professionnel sont réformés comme suit :
- Après un premier entretien réalisé au cours de la 1ère année suivant l’embauche, l’entretien est organisé tous les 4 ans (au lieu de 2 ans),
- L’entretien bilan a lieu tous les 8 ans(au lieu de 6 ans).
La loi introduit deux entretiens particuliers pour les salariés expérimentés :
- Un entretien de parcours professionnel doit être organisé dans les 2 mois de la visite médicale de mi-carrière (organisée durant l’année des 45 ans du salarié),
- Un entretien de parcours professionnel organisé dans les 2 ans précédant les 60 ans du salarié, doit aborder les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagements de fin de carrière.
Pour les entretiens professionnels obligatoires lors de reprises d’activité, la loi introduit une dispense d’organisation lorsque le salarié a déjà bénéficié d’un tel entretien au cours des 12 derniers mois précédent sa reprise d’activité.
La loi « seniors » apporte également des précisions sur les thèmes à aborder au cours de cet entretien de parcours professionnels et prévoit une aide à la préparation de celui-ci via le conseil en évolution professionnelle pour les salariés d’entreprises de moins de 300 salariés et via l’OPCO ou un organisme externe visé par un accord collectif pour l’employeur.
On rappellera que le non-respect des obligations en matière d’organisation d’entretiens de parcours professionnels est sanctionné dans les entreprises d’au moins 50 salariés par un abondement correctif de 3.000 € (article L. 6315-1 du code du travail).
- Création d’un CDI expérimental pour les seniors (sur 5 ans)
L’article 4 de la loi « seniors » crée un nouveau CDI à titre expérimental qui s’applique aux demandeurs d’emploi, inscrits à France Travail et âgés d’au moins 60 ans, qui ne peuvent pas bénéficier d’une pension de retraite à taux plein et qui n’ont pas été employés par l’entreprise ou le groupe au cours des 6 mois précédent la conclusion de ce contrat.
L’employeur pourra alors mettre à la retraite le salarié dès l’atteinte de l’âge de départ pour une retraite à taux plein (et non à l’âge de 70 ans pour un contrat de droit commun) et sera exonéré de la contribution patronale de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite.
- Nouveau thème de négociation sur l’emploi des séniors
La loi « seniors » instaure une nouvelle obligation de négocier pour les entreprises ou groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés dans lesquels sont constitués des sections de syndicats représentatifs (et en pratique dans lesquels a été désigné au moins un délégué syndical). Cette négociation est engagé tous les 3 ans, sauf accord collectif portant la périodicité à 4 ans et porte sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge.
- Dispositifs d’aménagement de fin de carrière
La loi « seniors » renforce l’obligation de justification de l’employeur qui refuse une demande de retraite progressive. Cette justification doit désormais rendre compte des conséquences de la réduction de la durée du travail sollicité sur la continuité de l’activité de l’entreprise ainsi que, si un recrutement est nécessaire, des difficultés pour y procéder.
La loi consacre la possibilité de prévoir par accord collectif l’affectation de l’indemnité de départ à la retraite au maintien de la rémunération pendant une période de temps partiel ou réduit, prévu par un dispositif de fin de carrière.
- Suppression de la limite du nombre de mandat
L’article L. 2314-33 du code du travail a été également modifié pour supprimer la limitation à 3 du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du CSE, quel que soit l’effectif de l’entreprise.
Texte : Loi n°2025-989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social
Lien : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000052430940#:~:text=%27emploi%20
- Nouveau plafond annuel de la sécurité sociale pour 2026
Le plafond annuel de la sécurité sociale a été fixé pour 2026 à 48.060 euros au 1er janvier 2026.
Partie jurisprudentielle
- Illicéité d’un dispositif d’évaluation professionnel – imprécision et subjectivité des critères
Lorsqu’il procède à l’évaluation des salariés, l’employeur doit opter pour une méthode basée sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie.
Les critères comportementaux ne sont admis que s’ils sont suffisamment précis pour être rattachés à l’activité professionnelle, et appréciés de manière objective.
En l’espèce, un employeur avait mis en place un dispositif d’entretien de développement individuel, comprenant notamment l’évaluation des compétences comportementales selon des critères et sous-critères comportementaux, comprenant notamment :
- « Ambition»
- « Engagement, persévérance – faire preuve d’optimisme»
- « Transparence – agir et communiquer avec honnêteté» ; « Être pragmatique : se montrer concret en faisant preuve de bon sens »
Un syndicat, considérant que ces critères n’étaient pas objectifs et vérifiables, a demandé en justice l’interdiction de ce dispositif et a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel, jugeant ce dispositif illicite.
La Cour a retenu que les notions d’« optimisme », d’« honnêteté » et de « bon sens » dont la connotation moralisatrice rejaillissait sur la sphère personnelle des salariés, étaient « trop vagues et imprécis pour établir un lien direct, suffisant et nécessaire avec l’activité des salariés en vue de l’appréciation de leurs compétences au travail et conduisaient à une approche trop subjective, manquant d’objectivité en s’éloignant de la finalité qui était la mesure des aptitudes professionnelles des salariés. »
La Cour de cassation a approuvé cette décision.
Décision : Cass. Soc., 15 octobre 2025, n°22-20.716
- Pénalité financière pour absence de plan d’action portant sur l’égalité professionnelle hommes/femmes
Le Conseil d’État vient de se prononcer pour la première fois sur une pénalité financière infligée à une entreprise pour ne pas avoir mis en place un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (portant notamment sur la réduction des écarts de rémunération, ainsi que sur la qualité et les conditions de travail).
Les articles L 2242-1 et suivants du Code du travail imposent à toute entreprise de plus de 50 salariés de négocier un accord relatif à l’égalité professionnelle ou, à défaut, de mettre en œuvre un plan d’action dédié.
La société MAX MARA s’était vu infliger par la DREETS une pénalité d’environ 72 000 €. Devant la juridiction administrative, pour critiquer la sanction financière, l’entreprise a développé un argumentaire autour de la rédaction du code du travail. Selon elle, comme l’article L 2242-1 oblige une entreprise où est constituée au moins une section syndicale représentative à engager au moins une fois tous les 4 ans une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et que l’article L 2242-3 précise qu’à défaut d’accord, l’employeur doit établir un plan d’action. L’entreprise en déduit que dès lors qu’elle ne disposait d’aucune section syndicale représentative, elle n’était pas tenue d’adopter un plan d’action.
Le Conseil d’Etat écarte cet argumentaire pour rappeler le principe selon lequel toute entreprise de plus de 50 salariés doit être dotée d’un accord ou d’un plan égalité.
Le Conseil d’Etat infirme néanmoins l’arrêt de la Cour administrative d’appel en considérant que le Plan d’action communiqué par l’entreprise, mentionnait des objectifs de progression, des actions et des indicateurs chiffrés dans au moins trois des domaines d’action mentionnés au 1° bis de l’article L.2323-8 du code du travail.
Décision : Conseil d’Etat, 1er octobre 2025, n°495549
Lien : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000052352615?isSuggest=true
- Etendue de la mission d’un expert-comptable désigné par le CSE
L’expert-comptable désigné par le CSE dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques ne peut étendre sa mission à un projet de réorganisation soumis à une autre consultation. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2025.
En l’espèce, une association de santé au travail a lancé sa consultation annuelle sur les orientations stratégiques. Le CSE avait désigné un expert-comptable pour l’assister mais avait intégré dans sa mission l’analyse d’un projet de rapprochement entre l’association et une autre structure. La lettre de mission prévoyait notamment que l’expert se chargerait de « l’évaluation des conséquences du projet de rapprochement sur les emplois ».
L’association a contesté cette extension, faisant valoir que le projet en question faisait l’objet d’une consultation spécifique, prévue par un accord de méthode signé avec les organisations syndicales.
La Cour rappelle que « la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise (Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 20-23.660, publié). »
La Cour de cassation a estimé que le projet de rapprochement était déjà suffisamment défini et encadré par un calendrier d’information-consultation distinct. Il n’avait donc pas à être soumis au comité dans le cadre de sa consultation. La mission de l’expert devait donc être redéfinie et ses honoraires révisés à la baisse.
Décision : Cass. Soc., 17 septembre 2025, n°24-14.518
- Refus de l’Accord de Performance Collective par un salarié et appréciation par le CPH du caractère réel et sérieux du licenciement consécutif à ce refus
Par exception au régime de la modification du contrat de travail, un employeur peut imposer des modifications de contrat au salarié via la négociation et l’adoption d’un accord de performance collective (APC).
L’APC est un type particulier d’accord collectif qui prévoit des aménagements en matière d’organisation de travail, de sa durée ou de la rémunération des salariés pour répondre à des nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise pour préserver ou développer l’emploi.
Si ces conditions sont réunies et que le salarié refuse la modification contenue dans l’APC, l’employeur pourra le licencier en raison de ce refus (cf. Art. L.2254-2 C. trav), sans avoir besoin de justification complémentaire.
Selon la Cour de cassation, lorsque le salarié licencié, saisit la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement, il appartient à la juridiction saisie, d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif au refus du salarié, au regard de la conformité de l’APC aux dispositions de l’article L.2254-2 du Code du travail, et de sa justification par l’existence des nécessités de fonctionnement de l’entreprise, sans qu’il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à sa compétitivité ou une cessation complète de l’activité de l’employeur.
Décision : Cass. Soc., 10 septembre 2025, n°23-23.231
- Inaptitude et compatibilité du poste de reclassement au regard de ses recommandations du médecin du travail
Dans le cadre de son obligation de reclassement du salarié déclaré inapte, l’employeur bénéficie d’une présomption de respect de celle-ci dès lors qu’il propose un emploie conforme aux recommandations du médecin du travail.
La Cour de cassation vient d’en préciser la portée dans un contexte où le salarié contestait la compatibilité de l’emploi proposé avec les recommandations du médecin du travail émises dans l’avis d’inaptitude.
En l’espèce, un salarié a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. L’employeur lui a proposé un poste de vendeur, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. Le salarié a refusé ce poste, en estimant qu’il n’était pas compatibles avec les recommandations du médecin du travail.
L’employeur a licencié le salarié pour inaptitude, estimant avoir respecté son obligation de reclassement. Le salarié a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale au motif de l’absence de respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
La Cour de cassation a estimé que « La cour d’appel, qui a ainsi fait ressortir que le poste de vendeur proposé n’avait pas été préalablement validé par le médecin du travail, en a exactement déduit qu’au regard des contestations émises par le salarié quant à la compatibilité du poste proposé avec son état de santé, il incombait à l’employeur de solliciter un nouvel avis du médecin du travail, ce que celui-ci ne justifiait pas avoir fait. »
Décision : Cass. Soc., 22 octobre 2025, n°24-14.641